Le festival Orléans Joue édition 2023 s’est déroulé le week-end des 2 et 3 septembre 2023. Une soirée gratuite ouverte à toutes et tous était également proposé le vendredi 1er septembre.
Une journée sur place et quelques découvertes : un coup de cœur et beaucoup de jeux moyens.
Archéos Society
Archéos Society est la réédition et rethématisation d’un jeu de Paolo Mori dénommé Ethnos sorti en 2017 désormais introuvable sauf à engraisser des spéculateurs sur les sites d’occasion. Dans mes souvenirs, il s’agissait d’un jeu dans lequel il fallait prendre des majorités en posant des lots de cartes.
Dans cette nouvelle version, on pose toujours des lots de cartes mais on se contente ensuite d’avancer sur des pistes en fonction de la couleur de la carte posée. L’aspect majorité qui était au coeur de Ethnos a donc totalement disparu
Alors que Ethnos proposait des parties tendues et favorisait l’interaction entre les joueuses, cette rethématisation accouche d’un jeu aseptisé et fade dans lequel les joueuses se limitent à piocher des cartes ou à les poser. On joue un peu en pilotage automatique sans grand intérêt et sans grande conviction. On ne peut s’empêcher de penser que ce gommage de toutes les aspérités du jeu d’origine a été commandé par une volonté de rendre le jeu le plus familial possible pour être vendu au plus grand nombre.
Cela fait mal au cœur quand on sait que d’autres éditeurs étaient potentiellement intéressés pour ressortir ce jeu. Et ce n’est même pas spécialement joli.
Archéos Society est un jeu de Paolo Mori, illustré par John McCambridge, édité par Space Cowboys.
Nautilus Island
Nautilus Island est un jeu de collection qui ne propose aucune sensation particulière. Là encore, à son tour soit on ramasse des cartes soit on en pose. Et quand on veut terminer sa collection, on prend un jeton en fonction du nombre de cartes posées qui accordera plus de points de victoire si on est la première joueuse à terminer une collection du nombre de cartes indiqué.
Vous avez déjà joué à Jaipur ? C’est pareil mais en moins bien. Vous voulez jouer à Jaipur mais à plus que deux joueuses ? Vous pouvez toujours jouer à Pearls qui n’est pas palpitant mais qui a le mérite de tenir dans une petite boîte et d’être d’une très grande intuitivité.
Dans Nautilus Island, hormis l’aspect course pour terminer ses collections, l’interaction se situe au niveau de la prise de cartes car on peut bloquer les emplacements de prise de cartes. Pourtant, ça reste vraiment peu contraignant et aucun dilemme cornélien ne surgit pendant la partie, là où dans Jaïpur le fait de devoir poser des cartes rendaient le jeu tendu puisqu’on permettait à son adversaire potentiellement de récupérer des cartes utiles. Tout sel a donc disparu, rendant le jeu assez insipide.
De plus, quelques couches de règles parviennent à rendre le jeu alambiqué pour un jeu de cette catégorie. Un jeu donc plus que dispensable qu’on aura très vite oublié.
Nautilus Island est un jeu de Johannes Goupy et Théo Rivière, illustré par Clément Masson, édité par Funnyfox.
Faraway
J’y avais joué sur BGA et j’étais restée dubitative. Impossible de me faire une opinion définitive, ne sachant pas si je trouvais le twist du jeu génial ou anecdotique. Après deux parties supplémentaires cartes en main, je suis conquise par le jeu et la force des émotions qu’il suscite pendant la partie.
Car Faraway est un jeu a priori tout simple : on collecte des cartes dont certaines accordent des ressources tandis que d’autres permettent de marquer des points en fonction des ressources que l’on aura à la fin de la partie. Ultra banal. Mais comme dit il y a un twist : on pose nos cartes dans l’ordre et à la fin de la partie, ces cartes sont placées face cachée puis on décompte les points en révélant nos cartes à l’envers.
En soi, choisir des cartes de scoring avant même d’avoir les ressources n’est pas une révolution. Pourtant, en organisant ainsi la résolution de la partie, le jeu procure une sensation de jeu originale car elle nous donne vraiment l’impression d’une gymnastique mentale de haut niveau, la sensation d’un effort puissant pour réussir à bien organiser son jeu.
Certes, la violence de cette résolution peut être légèrement contrecarrée par la récupération de cartes « Sanctuaire » qui elles resteront toujours visibles et permettront de pallier l’absence de certaines ressources ou d’accorder des points supplémentaires. On n’est pas prêt à supporter autant de méchanceté d’un simple petit jeu de cartes.
La résolution à l’envers offre une véritable dramaturgie dans un jeu qui sur le papier pourrait être très froid. On retourne ses cartes avec une petite boule au ventre en croisant les doigts de ne pas s’être complètement planté. On souffle quand ça s’enchaîne bien, on se maudit quand on a interverti des cartes dans l’ordre de pose. Bref, on ressent des émotions et c’est exactement pour cela qu’on joue.
Faraway est un jeu de Johannes Goupy et Corentin Lebrat, illustré par Maxime Morin, édité par Catch Up Games.
Fauna
Fauna est un jeu intialement sorti en 2008 dont j’avais entendu le plus grand bien. Un jeu de culture générale qui ne vous renvoie pas à votre ignorance puisqu’il s’agit moins de connaître que d’estimer et de parier. Il s’agit donc de s’y connaître moins mal que ses adversaires mais aussi de savoir bluffer en les laissant croire qu’on est un spécialiste du panda roux et qu’on connaît son poids moyen au gramme près.
Je n’aime pas utiliser ce type d’arguments mais je ne dois clairement pas être la cible de ce jeu. Plus sérieusement, je ne me suis pas spécialement amusée en y jouant et j’ai trouvé ça horriblement long et répétitif puisque ce sont toujours les mêmes catégories qu’on essaie d’estimer (localisation, poids, taille).
Fauna est un jeu de Friedemann Friese, illustré par Alexander Jung, Peter Braun et Volker Mass, édité par HUCH! et localisé par Atalia.
D’orge et de blé
Voilà un jeu qui avait (presque) tout pour me plaire : un jeu de gestion pour 2 joueuses dans lequel on doit produire du pain et de la bière.
Sauf que…
J’aime les jeux de gestion frustrants, j’adore Agricola par exemple. Mais j’aime les jeux de gestion frustrants quand la frustration provient du fait que l’on a des choix cornéliens à faire entre deux bonnes actions et que l’on doit choisir entre celle qui nous paraît la meilleure.
Dans D’orge et de blé, la frustration est là mais uniquement parce qu’on ne peut souvent rien faire d’intéressant et on donc au final le choix entre deux actions par défaut; d’ailleurs, souvent on n’a pas de choix du tout, et on se résout à faire la seule chose possible permise par les cartes que l’on a en main.
Certes, certaines phases de jeu nous permettront de drafter lesdites cartes. Et d’autres tours de jeu nous permettront d’échanger ces cartes avec les cartes d’un marché. Et pourtant ça ne résout absolument pas la question. A deux joueuses, si au premier tour de draft, les cartes de l’adversaire ne nous offrent aucune possibilité de débloquer notre jeu, il en sera ainsi toute la manche. Et si personne n’échange au marché, on n’est pas plus avancé.
On est donc clairement frustrée mais plus frustrée de subir l’aléatoire d’une pioche de cartes que de devoir arbitrer entre des choix intéressants. Le jeu devient donc vite pénible et on passe des tours à poser des améliorations qui ne nous serviront probablement à rien.
Si on ajoute à ça que je suis définitivement hermétique au style visuel de Michael Menzel que je trouve kitsch à souhait, ce jeu n’est pas pour moi.
D’orge et de blé est un jeu de Scott Almes, illustré par Michael Menzel, édité par Pegasus Spiele et localisé par Gigamic.
Line-it
Line-it est exactement dans cette catégorie de jeux dont on se dit : « s’il n’existait pas, ce serait dommage de gâcher du temps et de l’énergie à l’inventer ». On se plaint qu’il y a trop de jeux, en voilà un qui ira grossir les stocks de la surproduction de notre société capitaliste. Et le pire c’est que probablement avec son packaging il se vendra à des joueuses qui méritent tellement mieux.
Je sais que je suis sévère mais il n’y a vraiment rien dans ce jeu qui consiste juste à poser des cartes dans l’ordre croissant ou décroissant, et à les banquer pour marquer des points de victoire, puis à recommencer. Au secours !
Line-it est un jeu de Tim Juretzki, illustré par Joey et Grumpy, édité par Gigamic.
Surtout ne l’achetez pas.
Pass Pass
Les jeux de plis ont la cote et Pass Pass est une nouvelle déclinaison du jeu de plis à twist. En effet, il propose d’insuffler une dose d’alliances éphémères pour emporter les plis et s’en répartir les gains.
Et à chaque pli, ces alliances sont susceptibles d’évoluer, de changer.
Si le pitch du jeu est séduisant, il manque clairement un petit quelque chose pour rendre le jeu vraiment intéressant et on n’a pas forcément envie d’y revenir, d’autant que l’offre en matière de jeux de plis a explosé ces dernières années.
Pass Pass est donc un jeu ni désagréable ni agréable, il ne laissera qu’un souvenir fugace et l’impression qu’il manque d’un peu de développement.
Pass Pass est un jeu de Alexandre Droit et David Paput, illustré par Ulric, édité par Funnyfox.
Merci pour les retours !
Merci à toi !
Moi j’ai (re)joué à Médiéval Academy ou sa réédition et c’était bien. Même chose qu’avant mais un gros défaut persistant sur le premier joueur qui peut subir de perdre sans réagir.
Découverte de Faraway après que l’on m’ai dit que ce soit l’un des meilleurs jeux du festival. Cette gymnastique du cerveau est géniale.
Découverte aussi des Royaumes Sauvages. Un jeu de majorité et un très bon moment sur la table (acheté lors du festival).
Champions en clôture de la journée du dimanche. C’était bien fun.
J’avais joué aux Royaumes sauvages il y a quelques semaines, j’avais bien aimé mais sans plus.
Merci Polgara pour ces retours francs, concis tout en étant argumentés.
C’est marrant comme d’orge et de blé scinde les joueurs. Flavien (proxijeux et twitch) apprécie beaucoup, tout comme M. Blu (mastodon) dont c’était le seul coup de coeur d’Orléans.
Merci beaucoup pour ton retour encourageant.
S’agissant D’Orge et de blé, j’essaie de vraiment expliquer ce qui moi ne me convient pas mais je comprends tout à fait que d’autres joueuses y prennent plaisir.
C’est cool ces retours ! Merci !
Merci Fendo !
merci pour le retour . je n ai pas joué à tous ces jeux. à essayer si l occasion s en présente pour me faire une idée.
belle journée
Les avis des tiers sont toujours intéressants mais rien de tel que jouer pour se faire une idée plus précise.
Un grand merci pour ces retours ! Clair, concis, précis, argumenté… le monde ludique à besoin de cela ! Vivement les prochains !
Merci mille fois pour ton retour, ça fait super plaisir.
Merci pour tes retours qui nous permettent de savoir si ces jeux sont faits pour nous ou non
Merci à toi !
Enfin des avis très personnels, argumentés. Merci pour ces opinions bien senties, même quand « ça tranche ». Libre à nous d’être d’accord ou pas d’accord, mais au moins on comprend ce qui t’a plu ou pas dans les sensations de jeu, ou dans la proposition ludique dans son ensemble.
Merci beaucoup !
Dans la catégorie « je pose à l’envers sans avoir autre chose que ma mémoire pour m’aider à construire quelque chose qui va bien comboter que tout se révélera au final », la description de « Faraway » me met l’eau à la bouche autant que le bon vieux « Mamma Mia! ».
Merci pour ces retours ! Les critiques sont construites et cela les rend très appréciables et très utiles !
Faraway me hype aussi. Par contre, il n’y a pas de question de mémoire car toutes les cartes sont visibles. Elles sont juste retournées lors du scoring pour simplifier les calculs 😉
Oui tout à fait, cela crée une sensation de jeu très différente, et par ailleurs l’interaction est vraiment très faible dans Faraway (interaction indirecte liée à la prise de cartes dans la rivière).
Très chouette bilan critique, clair, concis et tranchant dans le vif, mais sans animosité. 😉
Voilà des critiques qui permettent de savoir si un jeu peut nous plaire ou pas, et qui évoquent l’élément trop souvent oublié: la sensation de jeu ! Faraway donne vraiment envie, et les échos que j’en ai sont pour le moment unanimes. Merci Polgara pour ce travail !
Merci beaucoup, ton commentaire me va droit au coeur.
Au moins il n’y a pas de langue de bois dans tes critiques.
Le seul que j’ai joué c’est Fauna et je te trouve dure.
Fauna est pour moi est un jeu d’évangélisation pour toucher des nouveaux joueurs. Je l’ai fait jouer des dizaines de fois avec succès. Oui c’est un peu long, oui c’est un peu répétitif mais ce jeu a l’avantage de mettre à pied d’égalité tout le monde dans une très bonne ambiance. Sa nomination au Spiel il y a quelques années est un gage de qualité.
Alors, je concède tout à fait que Fauna est un chouette jeu et je vois très bien ses qualités. Mais comme dit, je suis vraiment pas la joueuse pour ce jeu. Là c’est vraiment affaire de ressenti personnel.
Merci pour ces retours, clairs, concis et sincères !
Le seul où je ne te suis pas, c’est D’orge et de blé, où je n’ai pas cette impression de faire des choix par défauts.
Faraway est en effet excellent, il m’a fallu 6/7 parties pour parvenir à réfléchir au bon rythme, une torture agréable 😀
hey, ça a fait plaisir de te voir à Orléans joue 🙂
Je garde précieusement mon exemplaire d’Ethnos. J’aime beaucoup ce jeu à la croisée des Aventuriers du rail et de Smallword. Je n’ai jamais compris qu’il n’ait pas eu plus de succès.